
TOUR DE FRANCE DES PAINS…
Les pains français – une centaine – varient par leur composition et par leurs formes.Chaque région fabrique ses spécialités, plus ou moins anciennes ; elles racontent terroirs et traditions. Petit voyage non exhaustif…

LES PAINS DU NORD ET DE L’EST
En Alsace, le sübrot (ou sülaiwel) est formé de deux losanges superposés. “Sü” signifie sou et “brot” signifie pain… Durant des siècles, ces miches ne coûtaient en effet qu’un sou ! L’Est est aussi le royaume des pains de fantaisie: pain tressé et natté, tabatières, pain Graham, pains aux noix, aux poires, aux pommes, à l’anis et au pavot, pains d’épices et bretzels salés.
Le bourguignon est un pain campagnardde 400 ou 600 g confectionné à partir d’une pâte qui contient au minimum 10 % de seigle. Sa fermentation se fait au levain ou sur poolish (entre levure et levain), ce qui rend le pain moelleux et aéré. Il peut prendre plusieurs formes : bâtard, joko (pain court) ou boulot (ovale). Le pain cordon (Bourgogne et Champagne) évoquerait la ceinture en corde des moines : un cordonnet de pâte plus ferme est déposé au fond du paneton où va fermenter la pâte au levain ; il fragilise la surface de la pâte, qui va se fendre et éclater le long des lignes de fracture.
L’amitchotede Franche-Comté a été créé en 2002. Il représente géographiquement la Franche-Comté en France etest constituée de deux pains imbriqués l’un dans l’autre: un pain de campagne et un pain aromatique fourré aux figues, aux pommes vertes, aux pruneaux/amandes, aux noisettes, aux noix ou encore au lard/comté.
Le cramique(encore appelé craquelin ou couque) du Nord Pas-de-Calaisest une sorte de pain briochédont les origines remontent au XVIIe siècle. Garni de grains de sucre et à base de lait, il est en forme de boule non moulée de 250 à 500 g. Il est souvent fourré de raisins secs. Dans le Nord, il y a aussi le boulot de 4 livres, la flûte et la faluche, un petit pain du matin fourré au beurre. Remis au goût du jour à la fin des années 1980, le pain de tradition picarde se compose de 35 % d’épeautre, qui apporte un délicat petit goût de noisette.

LES PAINS DE L’OUEST
… Du nouveau !Le florona été créé en Bretagne en 1989 par l’association des Boulangers bretons créateurs. Cepain au levainest fabriqué à base de trois farines bretonnes : froment, seigle et sarrasin. Sa mie est grise et épaisse. De forme souvent rectangulaire, il est identifiable à son hermine, symbole de la Bretagne. Lepain rennais, tout rond, cohabite avec le petit maigret (une flûte), la couronne moulée, le pain plié, le mirod et le pain chapeau.
D’origine espagnole, lepain briéfut introduit en Normandie en 1588 à la suite du naufrage du navire Calvador sur ses côtes. Il était très apprécié des pêcheurs normands qui partaient plusieurs jours en mer, car il se conserve longtemps sans s’altérer. Cepain au levainétait aussi consommé à terre. Son pétrissage est particulier : la pâte est compressée et repliée à l’aide d’une “brie”, instrument typique de Normandie constitué d’un récipient en fonte de forme semi-sphérique et doté d’un bras épousant la forme de la cuve ; celui-ci comprime la pâte et en chasse les bulles d’air. La pâte devient dure à force d’être ainsi pilonnée.
Le Calvados a inventéla manchette, une couronne dans laquelle on passe le bras pour la transporter.
En Basse-Normandie,la falue(ou pain marguerite) est unassemblage de petits painsen pétale autour d’un coeur.
Lepain de méteildu Pays de Loire est élaboré à partir d’un mélange à proportion égale defarine de seigle et de farine de blé. Ce pain noir peut se conserver jusqu’à huit à dix jours.
Dans le Poitou-Charentes, lasouflame(sous-flame ou soufflâme) est unesorte de fougasse moelleuseélaborée avec les restes de pâtes que l’on cuit traditionnellement au contact des braises et des cendres ; elle en tire son parfum de fumée. De couleur terne, elle pèse de 300 à 500 g.
Le Poitou consomme aussi la fouée et le pain cordé ; la Brière, le tourton ; et la Vendée, le pain collier.

LES PAINS D’ILE-DE-FRANCE ET DU CENTRE
En Île-de-France, la reine, c’est labaguette parisiennede tradition française ! Elle aurait été adoptée par les boulangers de Napoléon III afin derendre le pain plus facilement transportablepar les soldats en campagne… C’est au cours du XXe siècle qu’elle se répand dans l’ensemble du pays. Sa fabrication n’a pas changé depuis les années 30. Elle est croustillante et révèle des arômes de noisette et de froment.
Contrairement aux autres départements de la région Centre, le Loiret n’avait pas de tradition boulangère. Cette lacune a été comblée en 2003 grâce à la création de latradi poiredu Loiret, qui a vu le jour lors du cinquième Salon national de la boulangerie. Le curcuma donne à ce pain sa couleur particulière.
LES PAINS DU SUD-OUEST
Lacouronne bordelaise(ou couronne des rois bordelaise) est ungrand collier de huit à neuf boules(quand il en a six, il se nomme “la gasconne”) réalisé à base de pâte àpain de campagneau levain naturel et à la farine de seigle.
Les boules sont soudées entre elles par une fine abaisse de pâte qui les pare d’une collerette.
Lepain tournéest une spécialité du Limousin, en particulier de la Haute-Vienne. Il doit son nom à sa forme de torsade (des pains vrillés que l’on appelle encore “pains tordus” ou “tournés” en Haute-Garonne). Cepain à base de farine de fromentde 75 cm de long pèse 400 ou 500 g. On trouve aussi dans le Gers la flambade ou la flambadelle.
Dans les Landes il y a la méture. Les Pyrénées pétrissent le tignolet, le quatre-banes des bergers, le ravaille et le pain coiffé.
Dans le Languedoc-Roussillon, lepain paillassede Lodève (ville au pied du plateau du Larzac) doit son nom à la “paillasse” (“paillasson” ou “paillassou”), une corbeille en paille de seigle utilisée pour la mise en forme et la levée des miches. La pâte est découpée en lambeaux par le boulanger qui lui donne alors une forme allongée et légèrement vrillée, puis la dépose sur la pelle à enfourner. Ici pas de pesée ni de façonnage, chaque pain est une pièce unique.

LES PAINS DU SUD-EST
Lacouronne lyonnaiseest un des joyaux culinaires de la région Rhône-Alpes. C’est unpain rond blanc au levain. Cette couronne est façonnée en boule que le boulanger perce avec la paume de la main. Elle est ensuite ouverte progressivement, à la manière d’une sculpture, en faisant tourner le pâton. À la cuisson, la couronne éclate mais conserve un dessus lisse et fariné. Son modèle réduit est la rioute.
Dans la vallée du Rhône, se dégustent lepain de Beaucaire, un“pain à cornes”, le pain scie et la maniode, plus rustique. Les randonneurs des Alpes emportent un pain carré, le pain bouilli, le pain vaudois ou la girade.
Lebougnat est un pain auvergnattrès prisé pour sa bonne conservation ; il est réalisé à partir defarines de froment et de seigleissues de l’agriculture biologique.
Lafougasseou fougace (en provençal) de Provence-Alpes-Côte d’Azur est unpain assez plat(pas plus de 2 cm) et sculpté en plusieurs branches. Il permettait à l’origine au boulanger de s’assurer que le four était à bonne température avant d’enfourner son pain. La fougasse était la première cuisson de la journée et servait de casse-croûte matinal aux apprentis. Il existe aujourd’hui une extrême diversité de fougasses dont les recettes varient selon les villes. La plupart sont salées, mais il existe des versions sucrées (spécialités de l’Aubrac aveyronnais et lozérien).
Le Midi apprécie aussi le tordu et, sur la côte, lecharlestonet le phoenix, unpain viennois. La Provence pétrit le pain d’Aix, la tête d’Aix, la michette et la main de Nice, encore appelée monte dessus. Lefibassierde Cavaillon est unpain plat fenduet cuit à l’huile.
LES PAINS AU DELÀ DES MERS
En Guadeloupe, lapomme-cannelleest unpetit painlégèrement doré qui présente une texture inédite et des saveurs sucrées de pomme, de cannelle et parfois de miel. Il est légèrement doré et sa mie blanche et dense se conserve très bien.
Selon l’historien réunionnais Prosper Ève, lemacatia était le pain des esclaves. Cepain sucrése présente sous la forme d’une petite boule compacte, à la texture très fine et légèrement sucrée. Il peut aussi être farci de banane, de noix de coco assorties de chocolat fondant, ou encore être consommé salé, garni de lardons, de jambon et de fromage.
En Corse, on se régale avec la coupiette.